En décembre dernier, Damon Albarn lâchait une bombe : “Blur jouera à Hyde Park le 3 juillet prochain”. Deux minutes de réservation plus tard, le sold-out prouvait l’attachement des fans au groupe, qui rallongea la sauce de plusieurs dates. Un tel succès populaire n’était pas assuré, après six longues années depuis la sortie du dernier album du groupe Think Tank.

Think Tank, disons le tout de go, était plutôt un mauvais album. Le départ du guitariste Graham Coxon et les tentations world-beat-electro d’Albarn : trop de bonnes raisons pour livrer le plus mauvais représentant de la discographie blurienne, chant du cygne d’une inspiration déclinante depuis la fabuleuse trilogie Parklife-The Great Escape-Blur et des titres comme Girls & Boys, Parklife, Country House ou Song 2.

Et enfin, nous voilà le 3 juillet 2009, à Londres, plusieurs dizaines de milliers de personne sur le pelouse de Hyde Park ont déjà vu passer Deerhof et sa reprise de Going Up The Country de Canned Heat, la bonne surprise Florence & The Machine, Amadou & Mariam et Vampire Weekend, durant le set duquel le public commence la chorégraphie de bouteilles volantes qui durera toute la soirée. Puis soudain, six années de persistence de mauvaises dernières impressions s’évaporent quand arrive l’intro de She’s so high. Le départ est tout sauf techniquement calé et le déphasage guitare/basse/batterie dure encore plusieurs secondes avant que le groupe s’accorde à livrer une version très convaincante du single de leur premier disque… 18 ans déjà… Le point d’entrée d’un set impeccable, faisant presque l’impasse sur Think Tank : seul le faiblard Out Of Time se fraye un chemin sur la tracklist.

Alors on se rappelle les années collège, le premier clip de Blur, aperçu sur M6 après une introduction d’Hervé Noël rappelant les influences beatlessiennes du groupe, la rivalité avec Oasis (alors que le live montre plus clairement que jamais que les deux groupes n’ont rien à voir), l’argent de poche mis de côté pour se procurer The Great Escape, porte d’entrée principale du groupe pour les Français (mon enquête est formelle !), sans doute trompés par le passé “dance machine” de Girls & Boys.

Doit-on regretter alors toute cette période 2003-2009 ? Le silence de 6 ans de Blur a-t-il été un gâchis sans nom ?

En ce qui concerne Dave Rowntree, le batteur du groupe, il a profité de ce hiatus pour s’ouvrir de nouvelles portes. Déjà auteur de drivers linux, pilote d’avion amateur et infographiste reconnu, il a aussi joué de la batterie pour The Ailerons, a créé une série télé animée, Empire Square, puis s’est présenté et a perdu à deux élections sous l’étiquette du parti travailliste. Vous avez dit éclectique ?

Un extrait d’Empire Square :

Alex James, était déjà bassiste de side projects, Me Me Me et surtout Fat Les, pendant la grande époque de Blur. Avec le père de Lilly Allen au chant (et parfois même la fillette elle-même), ce dernier groupe fut l’auteur d’un hymne de l’équipe d’Angleterre pour la Coupe du Monde 1998 dont le clip parodiait celui de The Verve. Puis, il fonda WigWam avec Betty Boo pour un single seulement et écrivit quelques chansons pour Marianne Faithful et Sophie Ellis-Bextor. Plus récemment, il a aussi participé à l’enregistrement du prochain disque de Joy Division v3 aka Bad Lieutenant.

Le clip de Vindaloo par Fat Les :

Ne nous attardons pas sur le travail de Damon Albarn : Gorillaz, Mali Music, The Good, The Bad & The Queen, Monkey: Journey To The West, tout cela est connu même si comme dirait mon oncle, ça en touche une sans faire bouger l’autre.

Attardons nous par contre sur le parcours de Graham Coxon. Le guitariste avait commencé sa carrière solo bien avant le split avec Blur par trois albums, obscurs, sans singles mais vrais joyaux. Puis Blur s’éloigne et le registre solo de Graham devient nettement plus pop : la trilogie The Kiss Of Morning, Happiness in Magazines et Love Travels at Illegal Speed fourmille de singles imparables à la hauteur de ses compositions pour Blur (You’re So Great et Coffee and TV) : la candeur pop de Bittersweet Bundle of Misery, l’immédiateté punk/pop/garage de Freakin’ Out, People of The Earth, You & I ou I Don’t Wanna Go Out. Plus récemment vient de sortir The Spinning Top, un retour aux sources de la guitare, souvent sèche sur le disque, qui louche aussi, souvent, vers Nick Drake. La part d’ombre nécessaire à l’équilibre coxonien maintenant que Blur est de nouveau en piste ?