L’histoire est parfois cruelle. Le Velvet Underground fut un groupe essentiel, c’est incontestable. Bien que dans les années 60, leur succès commercial fut très relatif, Brian Eno a su démontrer l’influence du groupe par une formule assez célèbre : “rares sont ceux qui se sont procurés les disques du groupe lorsqu’ils sont sortis, mais ceux-là ont ensuite tous créé un groupe”.

Pourtant, de ce groupe majeur de l’histoire du rock, le grand public n’a retenu qu’un nom : Lou Reed. En creusant un peu, on obtiendra peut-être de l’amateur de rock lambda quelques noms de l’entourage du groupe : Nico, Andy Warhol… Mais très peu vous parleront de John Cale et c’est sans doute un peu de sa faute quand même. Quelle idée d’avoir un tel patronyme, perdu chez les disquaires entre J.J. Cale, Johnny Cash ou John Cage.

OK, Lou Reed a apparemment demandé à John Cale de dégager bien gentiment du Velvet après seulement deux albums mais ces deux chefs d’oeuvres restent les meilleurs du groupe, dont John Cale est d’ailleurs le co-auteur de plusieurs titres (le célébrissime Sunday Morning en tête).

Bref, de quoi s’intéresser à la discographie solo du bonhomme, ce que je fis récemment en me procurant Paris 1919. Dès qu’on insère le disque sur la platine, on voit que l’ami John va aller droit au but : 9 titres, 31 minutes à peine. Déjà, ça, ça me plaît. Je ne suis pas du genre à réclamer aux artistes des galettes trop remplies qui me filent de parfaites indigestions. L’album commence par un Child’s Christmas in Wales qui nous présente en parfaite introduction toute la palette sonore qui va nous accompagner pendant la grosse demie-heure qui vient : piano, basse, orgue, batterie et guitare steel sont à l’appel. Avec tout ça, John Cale nous concocte un peu de tout, de morceaux mélancoliques louchant parfois vers du Neil Young/Nick Drake (The Endless Plain Of Fortune) aux bons vieux rocks qui tâchent (hallucinant Macbeth, blues rock extrêmement lourd mais à la production si accrocheuse) et pseudo skas (rigolo Graham Greene) sur lesquels se pose une voix pas toujours super juste. Ce qui est juste par contre, ce sont les intentions de l’artiste et les émotions que nous procurent par exemple le fabuleux Andalucia, bande son idéale de road-trip farrellien. John Cale arriverait presque à nous faire la synthèse de la musique américaine telle qu’on l’aime et dans toute sa richesse, un comble pour un Gallois…