Avant Dig Out Your Soul

Combien de jeux de mots pourris (Noel en Novembre, Oasis : la traversée du désert, Du vague à Liam) ? Combien de critiques narquoises ? Combien de : “Oasis ? Ouais, on les entend plus depuis Wonderwall tes potes !” ? Combien de : “Oasis est de retour !” ? Alors qu’ils ne sont jamais partis les frangins.

Alors certes, les médias ne leur accordent plus la place qu’ils s’étaient octroyés à la sueur de leurs gros sourcils au milieu des années 90. Mais tout de même ! C’est un peu rapide que de dire qu’on ne les entend plus depuis Wonderwall (ou Don’t Look Back in Anger voire Do You Know What I Mean pour les moins ignares des incultes). C’est le discours des gens qui n’ont soit jamais aimé Oasis (ceux ayant définitivement choisi le clan de la tache d’en face, ce qui a priori, est aussi ridicule que de vouer un culte sans fin aux mancuniens ici présents…), soit se sont arrêtés aux titres que Skyrock passait, au temps où cette radio diffusait encore le style de musique présent dans son patronyme.

Bref, Oasis a depuis le début un rythme de croisière immuable : un album tous les 2-3 ans, avec une tournée d’un an entre deux LP. Ce qui est moins immuable en revanche, c’est la qualité desdits albums. Pour schématiser, on pourrait mettre Definitely Maybe et (What’s the story) Morning Glory ? au sommet d’une crête, puis une amorce de chute avec Be here now, confirmée avec Standing on the Shoulder of Giants avant de remonter tranquillement la pente avec Heathen Chemistry puis plus franchement avec Don’t believe the truth. Alors quid de Dig out your soul ? Est-ce que l’ascension continue ou bien assiste-t-on à une rechute ? Et qu’en est-il de l’aspect live du groupe ? Assure-t-il autant que les années passées ? Voici donc les deux points que nous allons aborder.

L’album

Et tout d’abord, Oasis en studio, cela vaut-il toujours la peine de s’y attarder ? La réponse est sans équivoque. Le quartet/quintet/sextet (faut-il inclure un batteur ? Et le clavier présent pour les concerts ?) a fait du bon boulot ! D’un point de vue purement créatif, les 4 principaux membres ont définitivement mis un terme à la noelocratie des débuts, et chacun trouve sa place bon an, mal an. “Bon an, mal an”, car la qualité des compos d’un même gus est souvent inégale : ce brave Gem Archer, par exemple, capable de l’incroyable face B Eyeball Tickler pour le single Lyla, nous concocte ici, ce qui est sans doute le titre le plus faible de ce 7ème album studio, à savoir To be where there’s life. Au passage, je n’ai rien contre le retour du psychédélisme dans le rock (le Brian Jonestown Massacre fait ça très bien…), mais recourir au sitar en 2008, c’est daté, éculé et totalement cliché !

Mais bon, passons sur ce temps faible de cette nouvelle fournée oasienne, et penchons-nous plutôt sur les bons moments (à vrai dire, à peu près toutes les autres chansons). Tout d’abord, dès le début de l’album, une chose frappe : le son diffère de quasiment toutes les précédentes livraisons. Bag it up et sa slide-guitare nous confrontent à des anglais qui auraient traversé l’Atlantique (alors que c’est en fait l’ingé-son américain qui a fait le chemin jusqu’à Abbey Road). Toujours est-il qu’on entend, assez indécis dans un premier temps, des éléments dont on aurait jamais soupçonné la présence sur un album d’Oasis auparavant, tels que cette introduction de The turning, avec son piano limite jazzy. Attention, tout de même, ce n’est pas non plus la révolution ! Les solos de guitare signés Noel sont toujours présents, les emprunts/références aussi : au fil des écoutes, on découvre notamment des similitudes entre Waiting for the rapture et Five to One des Doors, pour l’intro et You Can Leave Your Hat on pour l’outro (un peu moins perceptible peut-être !).

Cela dit, Oasis est encore capable de fulgurance, comme le prouve le (très bien choisi pour une fois !) premier single : The shock of the lightning. Une sorte de mini-hymne comme Oasis sait en torcher depuis toujours (Do you know what I mean ? ou The importance of being idle font partie de ces mini-hymnes, à distinguer bien sûr des hymnes gallagheriens certifiés granit comme Live Forever ou Morning Glory…). Et donc, mine de rien, ces 4 chansons s’enchaînent sans peine et à un train d’enfer, malgré la durée toujours un chouïa trop élevée des compositions.

Puis vient I’m outta time, composition du benjamin de la fratrie et qui est, à ce jour, ce qu’il a fait de mieux sur disque. Une ballade que tout le monde qualifie de Lennonienne (pour l’extrait d’interview à la fin ?). Sans utiliser ce gros mot, disons que c’est une ballade jamais trop mièvre, avec piano et refrain tire-larmes mais pas pleurnichards. D’ailleurs, cette chanson fait office de second single (plutôt bien vu, encore une fois !). (Get off your) high horse lady ensuite, où Noel semble s’être perdu dans un quelconque état désertique américain, surprend encore une fois bien agréablement, très loin des standards du groupe habituels (même si, au jeu des références, on peut percevoir une ressemblance avec le riff de Come Together). Noel enchaîne alors avec un autre titre surprenant, Falling down, au rythme quasi-électro (voir le remix par les Chemical Brothers pour se convaincre de la portée électronique de cette chanson).

On passera ensuite rapidement sur le titre suivant dont le cas a déjà été évoqué précédemment (sacré Gem ! Range ton sitar !), pour en venir donc au trio de fin de cette galette. Ain’t Got Nothin’, deuxième compo de Liam pour cet album est une sorte de chanson-tambour de machine à laver. On a l’impression d’être retourné dans tous les sens, de se cogner partout, et on en ressort tout trempé de plaisir ! Quant à The Nature of Reality, tout simplement un excellent titre d’Andy Bell (contrairement à Keep the dream alive sur le précédent disque), une chanson qui fait se lever notre épaule gauche en cadence. Pour finir, Soldier on, troisième compo de Liam conclut l’album de manière complètement psychédélique, avec un rythme lascif, un phrasé qui semble captif de bulles de savon qui explosent à contre-temps et un orgue bien senti (amis musiciens, privilégiez l’orgue au sitar pour vos morceaux psyché, ça évitera qu’on vous parle des aventures de George au pays du Maharishi Mahesh Yogi…au pire pleurerez-vous une petite centaine de larmes).

Pour résumer l’aspect “Oasis en studio”, par pitié, ne parlons plus de retour tout court, mais plutôt de retour à un (très) bon niveau !

Le live au Bataclan

Intéressons-nous maintenant au côté live du groupe. Et pour cela, quoi de mieux que d’assister au concert du Bataclan, complet en moins de temps qu’il n’en faut pour dire un million de fois “We’re fookin’ good !” ? Cependant, des peurs peuvent être alimentées : et si Noel jouait sur une chaise, rapport à ses côtes fracturées lors d’un duel perdu contre un forcené canadien ? (en même temps, il avait les mains prises par sa guitare, c’était pas très équilibré comme combat !). Et si Zak Starkey, démissionnaire pour cause officielle de “problèmes familiaux”, nous laisser avec un batteur à deux balles ?

Pour parler franc, une partie de nos doutes ont été confirmés. En effet, à la place de Ringo jr, on a eu droit à l’ex-batteur de Robbie Williams pour ce qu’il a fait de pire, à l’ex-tatapoumiste des La’s et des Lightning Seeds pour des collaborations plus glorieuses. Je ne sais pas si Robbie lui a glissé un mot avant la tournée, si c’est un mercenaire à sa solde qu’il a ici envoyé pour démolir le solide édifice de Manchester, mais force est de constater qu’en cette soirée parisienne, le terme de batteur-bûcheron paraît on ne peut plus approprié. Où sont passés le groove et le délié de Zak ? Comment peut-on massacrer Meaning of soul à ce point ? Pour le reste du gang, tout est en place ou presque : Liam a une voix plus supportable que lors de la tournée précédente (même s’il massacre toujours Lyla…mais bon, tant qu’il ne détruit ni Morning Glory ou Slide away, ni Cigarettes and Alcohol ou Rock’n’roll Star) et Jesus est toujours efficace derrière ses claviers. Cela étant, alors qu’on pouvait espérer un show exceptionnel pour cette salle exceptionnelle, la déception vient justement de la “banalité” de ce concert. En effet, la setlist est la même que lors de la dizaine de dates qui a précédé. Et les gens sur scène évitent toute excentricité, éventuellement de bon aloi pour un groupe de rock : chaque solo est là, chaque instrument aussi (quitte à utiliser des bandes pour les violons de The Masterplan). Seuls Songbird et Don’t Look Back in Anger diffèrent sensiblement des versions endisquées. Même Wonderwall paraît fade. Bref, ça manquait un peu de vie tout ça… en parlant de vie, on a cru un instant à un Live Forever juste pour nous, public parisien. Mais en grand polisson, Liam nous a menti, et comme tous les soirs depuis un mois, le spectacle est bouclé avec I am the Walrus. Espérons cependant que ce n’était pas qu’une mauvaise plaisanterie, que ce brave Liam essayait de faire passer un message aux autres, sur ses envies de renouvellement de la liste des titres joués…Pour l’instant, ce ne sont que supputations ! Réponse définitive, peut-être, le 31 janvier, après leur venue à Bordeaux !

Bref, concernant le versant “Oasis en live”, c’était mieux avant ! (l’Olympia de 2005, en voilà une sacrée référence qualitative !)